MEDIA


FRANCE BLEU DRÔME ARDÈCHE

Christophe Bernard — 18 mai 2022

Ecoutez l’interview de Laurence Decréau, Déléguée générale du Festival et José Fonseca, Compagnon menuisier, ancien Délégué des Compagnons du Devoir et aujourd'hui Délégué technique pour Worldskills France

France Bleu Drôme Ardèche


L’HUMANITÉ

Kareen Janselme — 18 mai 2022

Dans sa cuisine, l’ex-DRH veille à «ne pas reproduire l’esclavage du consulting»

Après un burn out, Frédérique Chenevier-Triquet a quitté le monde du consulting pour cultiver ses valeurs dans la restauration.

www.humanite.fr


PSYCHOLOGIES

Tiphaine Bénard — 16 mai 2022

Accentuée par la crise sanitaire, la quête de sens est devenue une priorité pour de nombreux salariés, qui démissionnent et se reconvertissent. Mais ne faut-il pas interroger plus largement notre relation au travail ? C’est le but du Festival des Vocations, dont la première édition se tient du 20 au 22 mai 2022 à Mirmande, dans la Drôme. Au programme : ateliers, témoignages inspirants et dialogues insolites pour renouer les liens avec tous types de métiers, qu’ils relèvent du manuel ou de l’intellectuel. 

Il n’a jamais été autant d’actualité que de trouver un sens à son travail. Conséquence de la pandémie, la vague de démissions à travers le monde,  la « Grande démission », a montré un certain changement dans la façon de voir sa vie professionnelle. Les travailleurs souhaitent désormais retrouver du plaisir à l’ouvrage en se reconvertissant ou en changeant leur organisation, notamment en privilégiant le télétravail par exemple.

Pour les aider à retrouver un sens à leur profession, le Festival des Vocations se tient les 20-21-22 mai 2022 à Mirmande, dans la Drôme. À l’origine, l’idée est que le talent existe en chacun de nous et qu’il suffit donc le découvrir et l’exploiter. Pour ce faire, le festival met tout en place pour favoriser les rencontres, lors de témoignages inspirants, de dialogues insolites entre deux personnes de milieux opposés ou des 35 ateliers. Les festivaliers auront aussi la possibilité de s’essayer à de nombreux métiers : de l’ébénisterie à l’écriture en passant par la mécanique moto, la couture-stylisme, le codage, la cuisine ou encore la chaudronnerie.

Si le festival prône qu’il est possible de retrouver une étincelle en nous, il a aussi, et surtout, pour ambition de montrer qu’elle peut s’allumer, peu importe le type de métier, qu’il relève du manuel ou de l’intellectuel.

A l'origine de la création du festival

Si la crise sanitaire a renforcé les ambitions du festival, celui-ci a été imaginé bien avant puisque la première édition devait se dérouler en 2020. L’idée de réconcilier le manuel et l’intellectuel est née d’un constat fait par l’organisatrice, Laurence Decréau. Ancienne professeure de lettres classique, elle s’est rendue compte que la plupart du temps, les jeunes ne choisissent pas une orientation de façon volontaire. D’autant plus qu’en réalité, celle-ci se décide plutôt en fonction de leurs notes que d’une réelle motivation. Globalement, si un élève a des bonnes notes, on l’envoie vers l’université et les filières longues. Autrement, on l’envoie vers un lycée professionnel, où le travail manuel sera choisi par défaut.

Pourtant, contrairement à ce que l’on pense, de nombreuses personnes disposent d’une intelligence « concrète » et ont besoin de manier, de fabriquer pour comprendre. Certains s’intéressent à la matière qui se palpe, d’autres à la matière symbolique. C’est pour faire tomber ce clivage entre le manuel et l’intellectuel que Laurence Decréau a souhaité organiser le Festival des vocations.

4 questions à Laurence Decréau, déléguée générale du Festival

Quelle est la philosophie de ce festival ?

J’ai l’intime conviction que nous avons tous une vocation, mais que nous ne la connaissons pas forcément, d’autant plus que l’on est souvent bloqué par des préjugés quant à certains milieux professionnels. La philosophie de ce festival est finalement de libérer les gens de leurs préjugés et de revaloriser le travail manuel sans dénigrer l’intellectuel afin que chacun puisse choisir sa voie en fonction de ses envies et non ses notes, quitte à se reconvertir.

Comme nous voulons mettre en valeur la diversité des métiers, nous avons prévu des témoignages de personnes ayant des parcours inspirants ainsi que des dialogues insolites où l’on réunit des duos de personnes ne venant pas du même univers. Le but est de faire naître des idées innovantes à travers ces discussions. Idéalement, j’aimerais que ce soit enrichissant pour les festivaliers autant que pour les intervenants, que des idées germent grâce à des rencontres inédites qui ne se font pas habituellement.

De plus, les 35 ateliers à la disposition du public permettront de faciliter la rencontre avec une matière et le contact avec le réel.

« Réparer » est le thème de cette première édition. Que signifie-t-il ?

Le thème fait écho à la crise du Covid car nous avons envie de montrer aux gens comment se réparer après cette période de perte de sens. Il faut se retrouver soi-même pour avancer et ce thème signifie aussi se soigner après avoir été brisé par la crise sanitaire. On pourrait dire que ce festival est un événement de santé publique !

De plus, on soigne aussi la vision des métiers manuels par rapport aux métiers intellectuels. À travers les événements prévus, l’objectif est de montrer que des personnes de tous milieux ont finalement le même objectif et la même finalité. En effet, un mécanicien, issu du milieu manuel, répare tout autant qu’un éditeur, du secteur intellectuel. Ils n’ont pas le même métier, mais ils disposent d’une procédure mentale similaire car ils redonnent du sens, restaurent et ré-inventent.

Il est commun de voir quelqu’un d’intellectuel s’essayer au manuel mais l’inverse existe-t-il ?

Il existe une colonne vertébrale commune entre les univers « manuel » et « intellectuel ». Nos voisins allemands et suisses le comprennent mieux qu’en France, où il est plus rare de voir des ponts entre les deux. Cependant ils existent aussi, je pense à quelqu’un du nom d’Yves Malier qui a participé à une table ronde en amont de l’événement. Son parcours peut être qualifié d’atypique : il était ouvrier de maintenance industriel et s’est reconverti en « math sup maths spé » pour devenir normalien et en prime, directeur Normal Sup Cachan. Aujourd’hui, il est même conseiller scientifique de deux PDG d'entreprises de construction du CAC 40.

Pourquoi choisir le format festif d’un festival pour parler du travail ?

Le festival se tient dans un beau village, isolé du monde, avec chapiteau, repas tablé, banquet et musique. Cela fait partie du message que l’on veut transmettre : « Réconciliez-vous avec votre travail, qui est la moitié de votre vie ». Passer trois jours de rêve dans ce bel endroit permettra, je l’espère, d’aider les gens à voir le travail comme un enchantement et de changer de vie, de trouver leur vocation, donc de se réparer. Ceci dit, cela reste un challenge un peu hasardeux d’organiser ce festival en France car dans notre pays, on adore mettre les personnes dans des cases. Dans la vision commune, « festival et travail » ne vont pas ensemble, c’est un oxymore. J’espère que cela plaira.

psychologies

 

USBEK & RICA

 

Etienne Klein - 11 mai 2022

Dans le cadre du Festival des Vocations, qui se tiendra à Mirmande dans la Drôme du 20 au 22 mai 2022, Etienne Klein, physicien, philosophe des sciences et membre de l’Académie des technologies, nous invite à réparer le lien défait entre corps et esprit  et à reconnaître enfin le génie de la pensée manuelle.

Notre âme est transitive. Il lui faut un objet, qui l’affecte comme son complément direct, aussitôt. Francis Ponge

« Le Festival des Vocations », qui se tiendra à Mirmande dans la Drôme du 20 au 22 mai 2022, sera tout entier consacré à la réparation. Vaste sujet, qui tombe à point nommé : n’est-il pas grandement temps de délaisser le lancinant dédain avec lequel nous déconsidérons l’intelligence des mains, la pensée manuelle, le génie du corps agissant ? Penser, n’est-ce pas aussi être attentif à ce que l’on fait avec les diverses choses du monde ? Dans tous leurs gestes, dans toutes leurs décisions, le garagiste, le facteur d’orgues, le plombier, l’acrobate, le soudeur, le cordonnier, l’électricien, le cuisinier, le verrier, le guide de haute-montagne n’intriquent-ils pas la réflexion et l’action ?

 

Il y a même plus : la réparation relève, par essence, d’une sort d’art. Ou plutôt, elle transforme ceux qui s’y livrent en artistes authentiques, conformément à cette mission que leur confiait Francis Ponge : « L’artiste doit ouvrir un atelier, et y prendre en réparation le monde, par fragments, comme il nous vient ».

« Certains hommes ressentent, avec une délicatesse spéciale, la volupté de l’individualité des objets » Paul Valéry

Le chantier qui s’ouvre là est immense : dans le souci d’empêcher notre monde de se défaire, ne convient-il pas de réparer les âmes, les corps, les paysages, les machines, les liens sociaux, les téléphones ? Et tout ce qui est cassé, abîmé, bringuebalant ? Mais il ne faut pas croire : la réparation n’est pas une activité triste. En un sens, elle est néguentropique, procurant la joie d’avoir réinstallé un peu d’ordre dans le monde.

Dans son Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, Paul Valéry faisait remarquer que « certains hommes ressentent, avec une délicatesse spéciale, la volupté de l’individualité des objets  ». Lorsqu’on les approche de près, lorsqu’on y met les doigts, les machines deviennent en effet des sortes d’animaux faussement inertes dont on parvient à percevoir le caractère singulier : on ressent leurs champs de forces, la topologie de leurs fluides, l’architecture de leurs rouages. Parvenir à les réparer, c’est comme les apprivoiser. On découvre alors que le «  je pense, donc je suis  » cartésien ressemble à une posture paresseuse et qu’il faudrait plutôt dire : «  Je répare mon vélo, je retape une maison, je soude, je tourne-visse, donc je pense, j’agis et je suis, tout cela en même temps ».

Mais ce viatique, hélas, ne fait pas autorité dans le monde scolaire, encore moins dans les arcanes académiques. Paul Valéry regrettait, cette fois dans ses Propos sur l’intelligence, qu’on définisse trop l’intelligence par la scolarité :

L’intelligence devient alors la classe de ceux qui ont fait leurs études. Les études sont démontrées par les diplômes, preuves matérielles. […] Ce système est excellent pour la préservation et la transmission des connaissances, mais il est médiocre, sinon mauvais pour leur accroissement. Car il arrive que la preuve matérielle, le diplôme, soit plus durable que ce qu’elle prouve. Plus durable par exemple que le zèle, la curiosité, la vigueur mentale de celui qu’elle institue membre de la caste des lettrés. Paul Valéry

Nombreux sont ceux qui ont été injustement brimés par ce système bêtement binaire, cette tyrannie des cases qui considère que l’accession au prétendu royaume de l’abstraction est plus valeureuse que toute connivence charnelle avec la matière. D’où vient que l’école a distillé, sans forcément le vouloir, l’idée que l’exercice d’un travail manuel, d’un travail utile, placerait son exécutant dans un état servile ? Et d’où vient qu’elle n’inclue aucun rudiment de culture technique dans l’enseignement des humanités ? Serait-ce que la technique manquerait de dignité ?

Je veux ici rendre hommage à Pascal, mon frère aîné décédé le 31 décembre 2021. Comme d’innombrables autres enfants, lui qui n’aimait pas l’abstraction mais était un bricoleur de génie s’est très vite senti exclu de la caste des élus. En dépit de sa fringale de vie, il a copieusement souffert, enfant puis adolescent, de ce manque de reconnaissance. Pourtant, question zèle, curiosité, vigueur mentale, ingéniosité, il aurait eu quelques leçons magistrales à donner à tous les Rouletabille du cogito qui, comme moi (je le confesse), ont largement bénéficié dudit système. Notamment au moment de la mise en place de l’enseignement des mathématiques dites « modernes », qui voulaient bannir toute référence à la concrétude du monde, à commencer par ses problèmes de robinet. 

Je me souviens de ma honte paradoxale lorsque, certains soirs, je rentrais du collège avec une bonne note en mathématiques pour un devoir portant sur la distributivité de la multiplication sur l’addition, les propriétés de transitivité (ou non) de la relation de sororité ou le bon usage des diagrammes sagittaux : je savais qu’elle lui ferait atrocement mal, par comparaison d’avec la sienne.

C’est plus fort que nous : dès que nous constatons l’existence d’une différence, repérons une distinction, nous vient aussitôt à l’esprit l’envie d’opérer une classification, d’établir une hiérarchie

Entendons-nous bien : je ne veux pas ici faire accroire que mon frère, prompt à défaillir à la vue du moindre calcul, était à sa façon une sorte d’Einstein bis. Je pense simplement que si on lui avait expliqué que le père de la relativité avait aussi et d’abord été, comme lui, un « bricoleur », auteur de multiples brevets, cela aurait certainement rehaussé l’estime qu’il avait de lui-même. 

Là encore, c’est Paul Valéry qui a su le mieux dire le nœud de l’affaire : « Chacun se sert de l’esprit qu’il a. Un manœuvre se sert du sien, par rapport à soi, autant que quiconque, philosophe ou géomètre. Si ses discours nous semblent grossiers et trop simples, les nôtres lui sont étranges ou absurdes, et chacun de nous est un manœuvre pour quelqu’un. »

Il n’existe en effet pas une, mais des intelligences, dont nous pourrions dire ce que Stéphane Mallarmé disait des langues : « imparfaites en cela que plusieurs ». Ces diverses intelligences ne sont pas toujours commensurables les unes aux autres. L’idée d’une hiérarchie entre elles, qu’on pourrait rapportée sur les barreaux de quelque échelle, ne devrait donc plus pouvoir être fermement considérée : l’intelligence ne se mesure pas, en tout cas, par le nombre d’hectolitres de jus de crâne pressés dans l’inaction du corps et le silence des mains.

Il n’existe en effet pas une, mais des intelligences.

Mais c’est plus fort que nous : dès que nous constatons l’existence d’une différence, repérons une distinction, nous vient aussitôt à l’esprit l’envie d’opérer une classification, d’établir une hiérarchie, d’effectuer un rangement : sûrs de nous, nous posons que cette forme-ci d’intelligence est définitivement supérieure – au sens de plus « élevée » – à celle-là.   

Pourquoi ne pas plutôt constater qu’il existe simplement un écart entre différentes formes d’intelligence, puis les regarder ensemble sans que jamais l’une s’efface au profit d’une autre ? L’épaisseur de l’intelligence étant spectrale, il est temps de lui reconnaître de multiples modes de déploiement qui devraient se partager de façon équitable notre considération. 

usbeketrica.com


LE DAUPHINE LIBÉRÉ

18 avril 2022

Un Festival des vocations pour “réparer”

 

« Chacun doit se persuader qu’il a quelque chose de bien à faire de sa vie, dont il pourra être fier. »

Laurence Decréau

 
 

Le Festival des vocations aura lieu du 20 au 22 mai à Mirmande. À cette occasion, son organisatrice, Laurence Decréau, a répondu à nos questions.

Comment est né le projet du Festival des vocations ?

À l’origine, une conviction : chacun a sa place dans le monde, un talent à faire fructifier au service du bien commun. Plus encore quand on ressent une impression d’échec.

Cette première édition a pour vocation de “réparer”. Par qui ce projet est-il porté ?

Le Festival des Vocations est porté par l’association Les Chemins du Faire et par tous nos partenaires.

Quelques explications concernant ce projet ?

«Ce sera la fête de tous les talents y compris à tort dits “manuels” comme s’il n’y avait pas autant d’intelligence dans les métiers de la main que dans ceux dits “intellectuels”. Cette réhabilitation de métiers dédaignés dans notre pays au point que les entreprises peinent tant à recruter.

Parlez-nous de vos partenaires et de leur investissement

Ce festival a attiré de nombreux partenaires du monde de l’entreprise et de la formation. Fédération et Fondation du BTP, Afpa, Groupe CAN GEVD, Outil en Main, Compagnons du Devoir. Les uns offrant un financement, d’autres des ateliers métiers (maroquinerie, ébénisterie plomberie… Côté technique et ingénierie, ce sont le Cnam, l’Académie des technologies, la Chaire futurs de l’industrie et du travail qui apportent depuis le début leur contribution.

La première édition du Festival (2020) a été reportée en raison de la Covid-19 et vous n’avez pas baissé les bras…

Certes, le moral en a pris un coup mais ce délai nous a permis de grandir. Près de 6000 personnes sont aujourd’hui abonnées à notre newsletter. Et il a donné une actualité brûlante au thème de notre première édition, “Réparer”, devenu une priorité dans un monde actuel bouleversé.

En mai 2021 vous recevez un beau cadeau

Un merveilleux cadeau, les prix de la première édition de notre concours scolaire, “Les Fairiades” (parrainé par l’Académie de Grenoble), remporté par une classe de première cinéma du lycée Camille- Vernet de Valence. Le premier prix, un magnifique court- métrage comparant les souffrances de la planète aux violences infligées aux femmes, a scellé l’amitié entre le Festival et ce lycée. Si bien que cette année, les 5 jeunes lauréats, accompagnés de leur professeur, viendront filmer le Festival tout au long des trois jours… Le ministère de l’Éducation nationale vient d’intégrer le Festival dans son plan national de formation.

Quel serait votre plus grand bonheur ? 

La perspective de voir une ribambelle des jeunes investir le village, des collégiens, des lycéens, des jeunes en insertion qui se rencontreront dans les 25 ateliers, dialogueront avec Étienne Klein, physicien-philosophe, et José Fonseca, Compagnon du devoir, venus les faire rêver sur le thème “La vocation : une aventure dont vous êtes le héros”

Propos recueillis par Martine VERGNOUX-DEBRAY

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USEBK & RICA

4 avril 2022

La quête du « faire » traduit-elle une recherche de sens de nos sociétés ?

Quelles sont les motivations des cadres qui abandonnent leur emploi confortablement rémunéré pour se réorienter vers un travail manuel ? Quelques pistes de réflexion.

Dans Éloge du carburateur, paru il y a une dizaine d’années, Matthew B. Crawford, écrivain américain ayant quitté un emploi lucratif dans un laboratoire d’idées à Washington pour devenir réparateur de motos, se prêtait à un éloge du travail manuel. Face à la multiplication des bullshit jobs, proposant un travail pauvre et déresponsabilisant dans une économie du savoir n’ayant selon lui de savoir que le nom, travailler avec ses mains, bidouiller et réparer permettrait de retrouver un sens dans le travail. 

Dire que des hordes de cadres ont depuis suivi ses préceptes pour abandonner leur emploi dans la banque, la finance ou le marketing pour s’orienter vers un métier manuel serait certes exagéré. Il n’en reste pas moins que la reconversion manuelle constitue un phénomène de société, bien qu’encore modeste dans ses proportions. 

Un signal faible plutôt qu’un phénomène de masse

Avec 46 % des répondants, les métiers manuels et de l’artisanat arrivent en tête des professions vers lesquelles les cadres souhaitent se reconvertir, et cette proportion atteint même 60 % chez les cadres dirigeants, selon une récente étude de Michael Page. Et s’ils ne sont qu’une minorité à franchir le pas, celle-ci s’accroît au fil des années. En 2020, la chambre de métiers et de l’artisanat (CMA) comptait ainsi 260 000 porteurs de projets, 60 000 de plus qu’en 2018. Et sur les 130 000 adultes qu’elle a formés pendant l’année, 10 % étaient des cadres en reconversion. Une analyse de l’Institut Supérieur des Métiers (ISM) indique quant à elle que les cadres reconvertis représentent actuellement 12 % des créateurs de sociétés artisanales, soit environ 0,4 % des 5,2 millions de cadres supérieurs recensés en France. 

Le phénomène, bien que réel, demeure donc modeste. Il dit malgré tout quelque chose de notre société, résonne avec d’autres phénomènes culturels de notre époque. « J’ai effectué de nombreuses recherches sur les romans consacrés au monde du travail. Dans les années 1970, la pénibilité du travail à la chaîne était un thème récurrent. Aujourd’hui, l’histoire typique est plutôt celle d’un cadre en open space qui a peur du chômage, se fait harceler, ne trouve pas de sens dans son travail ou fait un burn-out  », note Laurence Decréau, sociologue agrégée de lettres classiques, autrice de L’élégance de la clé de douze, Enquête sur ces intellectuels devenus artisans, paru en 2015 chez Lemieux éditeur. 

Pour rédiger cet ouvrage, elle a côtoyé plusieurs cadres et intellectuels ayant décidé de mettre la main à l’ouvrage après avoir été lassés par leur profession. De quoi la convaincre qu’elle se trouvait face à un mini-phénomène de société. D’autant que la tendance n’est pas cantonnée aux métiers manuels les plus valorisés, comme la poterie ou la lutherie. « On parle aussi de métiers très exigeants, difficiles, et qui ne font pas forcément rêver dans l’imaginaire collectif : plombier, chaudronnier, charpentier, soudeur… »

Percevoir le fruit de son travail

Pour la sociologue, les cadres qui se réorientent vers ces métiers cherchent avant tout à retrouver du sens dans leur travail. « Toutes les personnes avec lesquelles je me suis entretenue aimaient leur métier précédent. Mais au fil des années, elles l’avaient vu se transformer, devenir de moins en moins créatif et de plus en plus impersonnel, avec à la clef la sensation d’être un simple maillon au milieu d’une chaîne et de répondre à de seuls impératifs de productivité sans savoir pourquoi on fait les choses ni jamais voir le fruit de son travail », résume-t-elle. 

Par contraste, le fait de travailler avec ses mains « permet de créer quelque chose de matériel, de tangible, et donne ainsi la sensation d’avoir un véritable impact sur le monde. On retrouve toujours dans leur discours un éloge du beau geste, une fierté du travail bien fait. Que ce travail consiste à réaliser une jolie poterie ou à souder un tuyau d’évier n’a à cet égard que peu d’importance.  » 

C’est également la thèse que défend Matthew Crawford dans Éloge du carburateur : renouer avec un métier manuel, c’est reprendre contact avec la réalité dans un monde devenu immatériel, intangible et fantomatique. « Retour aux fondamentaux, donc. Le carter moteur est fêlé, on voit le carburateur. Il est temps de le démonter et de mettre les mains dans le cambouis… »

Servir une noble cause

Mais au-delà de cet attrait philosophique pour le concret, le tangible, les métiers manuels sont aussi vus par certains cadres en reconversion comme le meilleur moyen d’avoir un impact positif sur le monde, par exemple en répondant aux défis posés par la crise environnementale. 

« J’ai rencontré un ingénieur issu des Ponts et Chaussées qui était convaincu de la nécessité de développer l’usage des fours solaires pour réduire notre consommation énergétique, il a commencé à les construire lui-même, puis a lancé une petite structure industrielle pour pouvoir en installer un dans tous les villages qui le souhaitaient  », raconte Chloé Schemoul, auteur du livre Le Manuel de l’affranchi — Les étapes à suivre pour une réorientation professionnelle réussie (Marabout, 2019). Elle a également fondé Devenir un Talent Utile, un service de formation pour aider les cadres à se réorienter.

On retrouve un phénomène similaire parmi les personnes qui lancent des marques de vêtements avec un modèle de vente directe au consommateur sur la toile et une communication 100 % transparente. « Il y a chez tous ces entrepreneurs la volonté de manipuler le produit, de mettre les mains dans le cambouis, mais aussi de changer le modèle de l’industrie du vêtement en revalorisant les circuits courts et la qualité des produits, pour limiter le gaspillage et l’impact environnemental.  » 

Une soif d’indépendance

La réorientation vers un métier manuel traduit aussi souvent une volonté d’autonomie, celle d’être son propre patron, de la part de personnes qui ne supportent plus de rendre en permanence des comptes à un manager. « Cela ne signifie pas que ces personnes travaillent moins, bien au contraire, elles ont souvent des rythmes de travail très éprouvants. Mais se reconvertir dans un métier manuel leur permet d’être leur propre patron, d’une part, et d’autre part d’avoir un rythme de travail dicté par la matière, plutôt que par des impératifs comptables déconnectés de la réalité. Un vitrailliste à qui l’on demande un vitrail pour demain sera dans l’impossibilité de le faire, car il y a des limites physiques, il faut couper le verre, fabriquer un chemin de fer en plomb, respecter le temps de cuisson du verre dans le four. C’est la matière qui dicte le rythme du travail, et cela a un côté très apaisant », analyse Laurence Decréau. 

Un constat que partage Chloé Schemoul. «  J’ai par exemple suivi un jeune homme qui avait arrêté ses études de droit alors que ça se passait très bien pour lui, car il était attiré par l’entrepreneuriat. Il a fini par lancer son entreprise de réparation et de reconditionnement de biens électroménagers. » 

Pour elle, le passage par un métier manuel peut aussi être une étape dans le cheminement de vie de la personne, qui va ensuite lui permettre de choisir avec plus d’assurance la carrière qu’elle souhaite embrasser sur le long terme. « Parmi les personnes qui sont en processus de réorientation, nombreuses sont celles qui passent par une phase de travaux manuels pour se ressourcer, faire le point sur leur vie et leurs aspirations. Le fait de travailler avec ses mains aide à y voir plus clair. »

Une faiblesse très française

Reste que ces reconversions demeurent trop peu nombreuses pour combler les besoins de main-d’œuvre de l’artisanat et de l’industrie française. « J’ai créé le festival Les Vocations, qui va avoir lieu les 20–21–22 mai dans la Drôme, pour permettre au public de se libérer des préjugés qui entachent les métiers manuels. Or, toutes les personnes que je rencontre dans le cadre de l’organisation me disent que les métiers artisanaux et techniques sont en crise totale car ces chefs d’entreprise ne trouvent pas suffisamment de main d’œuvre, c’est le cas de professions pourtant fort bien rémunérées et requérant une formation très pointue, comme la chaudronnerie, par exemple. » 

Un problème imputable, selon la sociologue, à un souci d’image dû au fonctionnement du système éducatif français, qui tend à dévaloriser les métiers manuels et leur colle une image négative dès le collège. À l’inverse, des pays comme l’Allemagne et la Suisse valorisent davantage l’apprentissage et l’orientation vers des filières techniques. 

Néanmoins, elle est convaincue que les choses sont en train de changer à toute allure, le fait d’accomplir un travail qui ait du sens étant devenu une priorité pour les étudiants et jeunes actifs. « Je pense vraiment que c’est une lame de fond, il y a quelque chose qui a changé, notamment au sein des jeunes générations. Ils ne supportent plus d’avoir une hiérarchie avec un mode de management vertical, on trouve chez eux une vraie aspiration à l’autonomie. C’est ainsi que des diplômés de grandes écoles se tourneront vers la charpente… ou la chocolaterie !  » 

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RADIO NOTRE-DAME

28 février 2022

En Quête de Sens - Emission du 28 février 2022 : Qu’est-ce qui motive les jeunes aujourd’hui dans leur recherche d’emploi

Laurence Decréau, déléguée générale du festival des vocations qui vise à réenchanter le travail par le talent. Elle a publié « L’élégance de la clef de 12 » (Lemieux)

Jean-Claude Puerto-Salavert, PDG d’Ucar et auteur de « #Partage ta bagnole ! » (Exils)

Geneviève Houriet Segard, socio-démographe et directrice adjointe EDHEC NewGen

Ecoutez l’émission

 

VIVES

Laure Marchal

Changer de métier, ça peut changer la vie 

Quitter un travail intellectuel pour un travail manuel

Examiner les requêtes Google fait partie de mon métier. Vous savez, découvrir quels sont les mots-clés les plus cherchés par les internautes. Ma dernière trouvaille : la recherche Google "changer de carrière" a augmenté de 202% depuis le confinement ! Faramineux non ? 

“ Bienvenue en Absurdie ! ”

A y regarder de plus près, c’est une tendance qui augmente depuis une dizaine d’années et qui prend racine dans ce que Laurence Decréau, spécialiste de la reconversion dans l’artisanat, appelle la faillite des cols blancs. « Ils ne comprennent plus le sens de ce qui leur est demandé. Ils ne sont plus maîtres de leur œuvre mais le maillon d’une immense chaîne », explique-t-elle. Ils ne voient pas le résultat de leur travail, sont sous pression, doivent atteindre des objectifs qu’ils ne comprennent même plus et dans des délais souvent intenables. 


Pire, avec la globalisation et la mise en concurrence des entreprises, seuls le temps et l’argent entrent en ligne de compte. « On se retrouve alors avec des dirigeants qui ne sont pas du métier et dont la seule préoccupation est la rentabilité », analyse-t-elle. Résultat : insatisfaction personnelle, perte de motivation et de sens, travail bâclé. « Même leur intitulé de poste ne veut plus rien dire ! » s’exclame Laurence.  Des mots anglais accolés les uns aux autres qui n’ont plus de valeur. C’est ce qu’a théorisé David Graeber dans un article qui avait fait grand bruit en parlant de "bullshit jobs" (métier à la con) en 2013. Bienvenue en Absurdie !

 Voir le résultat concret de leur travail est leur motivation n°1 

Reste-t-on dans un monde dont ne comprend ni les règles, ni le sens ? Non ! Et voilà comment près de la moitié des actifs pensent changer de métier à plus ou moins long terme (49% selon le baromètre 2021 de la formation et de l'emploi de Centre Inffo). Mais dans quoi se reconvertir ? Grande question. Laurence Decréau s’intéresse depuis plus de 10 ans aux personnes qui ont choisi de se réorienter dans l’artisanat. Et ils sont nombreux ! Selon le sondage BVA-FNPCA réalisé en 2017, 58% des interrogés se verraient travailler dans ce secteur. Et d’ailleurs, l’artisanat rassemble 30% des créations annuelles d’entreprise. 


Les “reconvertis” que Laurence a rencontrés en ont eu assez de leur "bullshit job" et ont voulu se servir de leurs mains, être utiles. « Voir le résultat concret de leur travail est leur motivation n°1 » confie-t-elle. Car dans ce système de cols blancs en faillite, vous n’avez jamais aucune preuve que votre travail est bien fait. « T’as dépensé trop », « Il aurait fallu le rendre hier », « Tu aurais pu encore gagner 20% »…  Avec le travail manuel, la gratification est concrète, palpable. Le vitrailliste réalise un objet qui n’existait pas il y a quelques heures. Le plombier répare une panne et améliore un espace de vie. Leur travail est visible et fait sens. C’est un nouveau rapport au temps qui s’installe, un rythme naturel qui est retrouvé. Et cela leur procure une forme de sérénité.

“ Il y a une différence entre la simple projection d’une autre vie et l’urgence de s’y atteler ”

Se reconvertir dans un métier artisanal fait rêver. Mais il y a une différence entre la simple projection d’une autre vie et l’urgence de s’y atteler. « Toutes les personnes que j’ai rencontrées depuis plus de 10 ans ne pouvaient plus faire autrement. Elles ne supportaient plus leur job. C’était partir ou mourir » explique Laurence. Et c’est précisément ça qui va être le moteur de la reconversion

Cela a été le cas pour Frédérique Tiquet. Après une magnifique carrière de DRH et de consultante en RH, elle arrive un matin au travail et s’écroule. Elle ne peut plus. Elle rentre chez elle et ne remettra plus jamais les pieds au bureau. 

S’ensuit alors un vrai questionnement. Que faire ? Dans quoi se reconvertir ? Frédérique, passionnée de cuisine, s’interroge sur ce métier. Adolescente, elle rêvait déjà d’être cheffe… Mais de là à franchir le pas à 57 ans… Elle se fait accompagner par un thérapeute pendant 18 mois et son projet prend forme. A 62 ans, Frédérique est cheffe, à la tête de 2 restaurants. Bluffant !

 La clé de la reconversion réside en partie dans l’accompagnement 

Je comprends alors au fil de mes discussions avec Laurence et Frédérique (et d’autres personnes reconverties) que la clé de la reconversion réside en partie dans l’accompagnement. D’abord parce qu’il y a toujours un choc à l’origine de l'envie de se reconvertir. Ensuite, parce qu’il faut s’en remettre, le comprendre, l’analyser, le dépasser. Enfin, pour se questionner sur la suite, il faut envisager son projet dans toutes ses dimensions, anticiper les répercussions… Sans cela, les mêmes erreurs risquent de se répéter. « Beaucoup de gens vont trop vite dans la reconversion qui finit par être en réalité une fuite en avant. J’en vois souvent qui viennent me voir au restaurant et qui se plantent quelque mois après. Il faut faire un travail sur soi. S’il n’est pas fait, ça ne tient pas » commente Frédérique. 


Au-delà d’un travail sur soi, un accompagnement professionnel est souhaitable. On peut par exemple contacter la Chambre des métiers de l’artisanat de sa région pour parler avec un spécialiste de la reconversion. C'est l'occasion de faire le point sur ses aspirations, étudier les risques et opportunités du projet tant sur le plan financier qu’humain, mettre en place un plan d’action. Les trois premières années sont les plus difficiles pour les néo-artisans. Raison de plus pour se faire accompagner ! 


L’accompagnement permet aussi d'explorer les deux façons d’entreprendre : créer ou reprendre une entreprise. Frédérique Tiquet a par exemple repris le restaurant en faillite à deux pas de chez elle. Une opportunité qu’elle a su saisir et qui lui a permis de se lancer sans prendre trop de risques financiers. Le rachat d’un fond de commerce en liquidation n’étant pas trop onéreux…

“ Il y a 3 freins majeurs à la reconversion : l’argent, l’image sociale, l’âge ”

J’ai réalisé qu’il y a 3 freins majeurs à la reconversion : l’argent, l’image sociale, l’âge.

Le premier est le plus difficile. Frédérique pour sa part, a fait des calculs et a regardé comment elle pouvait faire face en perdant en rémunération. Pôle Emploi et la possibilité de toucher l’Acre (l'Aide à la création ou à la reprise d'une entreprise) l’ont beaucoup aidée. 

Pour d’autres, c’est leur positionnement qui a fait toute la différence. Un ex-directeur des ventes d’une grande entreprise est devenu plombier. Il s’est spécialisé dans les chantiers extrêmement complexes, facturés à prix d’or.

Quant à l’image sociale, les temps changent ! Laurence le dit très bien : « Les néo artisans sont devenus glamour ! C’est ce qui a changé ces 10 dernières années ». Ils incarnent le courage de changer, les étoiles dans les yeux, la résilience.  

Enfin l’âge… Frédérique en est la preuve : il n’y a pas d’âge pour se reconvertir ! C’est proche de la retraite qu’elle a donné un autre tournant à sa carrière. Et c’est même grâce à cet âge qu’elle a pu le faire. Dégagée d’un emprunt, des études des enfants, elle conclut : « Mon âge m’a donné de la liberté ».  Comme quoi !

Illustration : un grand merci à Laurence Bentz et à l'agence Virginie

Le +   

4 PISTES POUR REDÉCOUVRIR LE MÉTIER D'ARTISAN

Lisez L’éloge du carburateur de Matthew Crawford, le livre qui met en lumière le travail manuel.

Plongez-vous dans L'Elégance de la clé de douze : Enquête sur ces intellectuels devenus artisans, de Laurence Decréau.

Ecoutez ce podcast de la série Travail en cours par Louie Media : Pourquoi rêve-t-on de tout plaquer pour élever des chèvres ?

Planifiez d'aller faire un tour au Festival des Vocations qui veut réconcilier métiers intellectuels et métiers manuels. Les 20, 21, et 22 mai 2022 à Mirmande. L'occasion d'aller dans le Sud !

3 ADRESSES POUR SE FORMER ET SE FAIRE ACCOMPAGNER

Consultez le site de l’AFPA pour trouver la formation qu’il vous faut et être accompagné(e) dans la construction de votre projet professionnel.

Découvrez les étapes d’un accompagnement avec la Chambre des métiers de l’artisanat.

Rejoignez l’association Artisans d’avenir, qui mise sur la force du réseau pour accompagner et former des artisans d’art.

1 DEVOIR DU SOIR POUR RÉFLÉCHIR

On termine sur le conseil concret de Laurence Decréau qui ne nécessite qu'un papier et un crayon : « Listez méthodiquement tout ce qui vous plaît et tout ce qui vous déplaît, même les choses les plus infimes, car c’est ce qui vous aidera à savoir ce que vous voulez et ce que vous ne voulez plus ».

Laure Marchal


RADIO NOTRE-DAME

18 mai 2021

En Quête de Sens Émission du 18 mai 2021 : Le travail manuel est-il en train de retrouver ses lettres de noblesse ?

Vigneron,  plombier menuisier, bourrelier, tonnelier ou boucher,… Inscrit dans l’imaginaire des Français, le mépris du travail manuel ne date pas d’hier. Effet secondaire peu connu de l’Humanisme, qui associa longtemps la qualité d’Homme à la seule culture lettrée, et ça, depuis des siècles, … une logique implantant jusqu’à aujourd’hui la dichotomie entre Main et Esprit. On en constate un des effets les plus tangibles dans l’histoire récente de l’Éducation française, avec l’orientation par défaut qui réserve la voie professionnelle aux élèves en échec en scolaire. Heureusement des milliers de jeunes diplômés de niveau bac+5 déçus par le marché du travail choisissent chaque année de se réorienter vers des métiers manuels. Le travail manuel est-il en train de retrouver ses lettres de noblesse ?

Avec Laurence Decréau, déléguée générale du festival des vocations qui vise à réenchanter le travail par le talent. Elle a publié « L’élégance de la clef de 12 » (Lemieux)

Nicolas Weber, directeur général de l’entreprise Pierrenoël, tailleur de pierres sur le chantier de Notre Dame

Laurent Deambrogio, co-fondateur de Hello Charly (application aidant les jeunes à s’orienter et à découvrir métiers et formations qui leur correspondent)


LA VIE

 

Lire : L’article de Laurent Grzybowski dans Carnets Citoyens

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FRANCE INTER

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On touche à des initiatives collectives audacieuses comme ce premier Festival des Vocations que nous présentons
— Philippe Bertrand - Carnet de campagne dans la Drôme

CADRES

LA TRANSFORMATION DE L’INDUSTRIE BOUSCULE NOS REPRÉSENTATIONS DU TRAVAIL

La manufacture n’est plus : la traditionnelle bipartition française entre le travail manuel et le travail intellectuel qu’illustre le décalage entre voie professionnelle et voie générale dans l’Education ou encore la catégorisation entre cadres et cols bleus n’a jamais été aussi questionnée par la mutation de l’industrie.

Tandis que l’industrie française peine à recruter, les jeunes générations semblent prêtes à tout accepter – chômage, CDD au rabais… – plutôt que de travailler à l’usine. Dans le même temps, sur les rayons des librairies et les écrans de cinéma, le calvaire des cols blancs fait florès : burn-out, dépressions, suicides, il n’est question que du mal-être des cadres et des employés confinés dans les open spaces : balayés, les romans sur la souffrance ouvrière des années 1970 : la représentation du malheur au travail a migré de l’atelier au bureau. L’usine n’y gagne rien pour autant : naguère fustigée, elle est devenue invisible, évacuée du champ des représentations, sauf rares exceptions mettant en scène ces variantes d’une disparition annoncée que sont fermetures et délocalisations. Si les catégorisations auxquelles nous sommes accoutumés ont perdu de leur pertinence (manuel vs intellectuel, culture vs technique, voie générale vs voie professionnelle), peut-on voir dans cette crise les prémices du retour en grâce d’un secteur technique trop longtemps et injustement mal-aimé ?

En France, le travail manuel est dévalorisé – cela ne date pas d’hier ; cette dévalorisation constitue un problème. 

Revue Cadres N°482


L’ÉCONOMIE DRÔMOISE

 
Magazine de la CCI de la Drôme, N°212

Magazine de la CCI de la Drôme, N°212

 

CAPEB Grand Paris - Le bâtiment parisien

 
Le bâtiment parisien N°33

Le bâtiment parisien N°33

 

LIBÉRATION

Pourquoi les intellos rêvent-ils de marteaux ?

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Inscrit dans l’imaginaire des Français, le mépris du travail manuel ne date pas d’hier. Mais la taylorisation du travail intellectuel et la crise de sens pourraient bien inverser la tendance.

Lire : Tribune de l'écrivaine Laurence Decréau


FRANCE INFO

"Il y a une crise des cadres qui se rendent compte qu'ils n'ont plus vraiment de métier mais juste un titre" Laurence Decréau :

Invitée de Jean-Paul Chapel dans ":l'éco", Laurence Decréau présente son nouvel ouvrage "Tempête sur les représentations du travail"

L'invitée est partie du constat aberrant qu'il y a 3 millions de chômeurs et 120 000 postes non pourvus dans l'industrie faute de candidats qualifiés. "Depuis des siècles maintenant, tout ce qui est lié à la matière, ce qu'on va façonner, c'est mal vu dans notre pays" déclare Laurence Decréau. L'auteur de "Tempête sur les représentations du travail" explique que les emplois dits manuels donnent du sens au travail : "Oui, cela donne une satisfaction au travail. On voit bien qu'il y a une crise des cadres qui se rendent compte qu'ils n'ont plus vraiment de métier mais juste un titre. On voit ce qui en ressort comme malaise très profond chez les cols blancs. Ce n'est pas le cas des cols bleus, qui travaillent dans la matière et la technique, et qui font quelque chose de leur journée". 

D'où vient cette dichotomie ? "Aujourd'hui, tout commence avec le primaire jusqu'à l'âge de 11 ans, puis on enchaîne avec le secondaire. Or, pendant des décennies, jusqu'en 1959, il y avait deux voies parallèles: le primaire de 6 ans à 16 ans et le secondaire aussi de 6 ans à 16 ans. Le secondaire était payant, c'était pour les riches. On y faisait du français, du latin, un peu de mathématiques."

La question AFP : "L'engouement récent pour l'apprentissage traduit-il un changement profond de l'image de cette filière ?" Laurence Decréau répond : "Il y a beaucoup de chose à rattraper. Chez nous, l'alternance a toujours été regardée avec beaucoup de suspicion."

Certains cols blancs se reconvertissent à l'artisanat : "Ils ne savent pas à quoi servent leurs journées. Il y a un moment où le métier n'est plus un métier. Cela montre que dans le travail de bureau, il y a quelque chose qui ne va plus. On a besoin de retourner aux métiers" conclut-elle.


CAPITAL

Travail manuel : arrêtons de le déconsidérer !

Longtemps dévalorisées en France, les activités manuelles souffrent d'une image en total décalage avec la réalité, assure Laurence Decréau. Il est temps, selon elle, d’inverser la tendance.